Le 17 mars 1988 à 18 h 30, me trouvant perdu, seul en kayak, à
15 milles au nord d'Hammerfest (Norvège), j'étais contraint de
lancer un message de détresse.
J'étais secouru à 22 h 00 par le 0livind Lotentzen, canot de
sauvetage d'Hav0yound, après 13 heures de mer et 37 milles
de navigation dans des conditions climatiques pénibles.
Je reconnais que ce jour-là, j'ai eu beaucoup de chance,
mais je dois la vie à mon matériel de sécurité très complet et
à ma radio VHF sans lesquels j'aurais très probablement
"fait mon trou dans l'eau" par 71° N.
Depuis 2 ans, je suis membre de l'association "Kayak de mer
du Ponant" dont le but, outre l'organisation de randonnées,
est de promouvoir une pratique plus sûre du kayak de mer.
Dans ce domaine,un travail considérable a été accompli
par nos aînés.
Nous connaissons la sécurité surtout sous sa forme active:
sauvetage en pointe, méthode en H, esquimautage,...
Mais connaissez-vous la forme passive ?
Certes, il faut posséder des bases techniques sures, mais il
importe d'abord d'être responsable de soi-même et d'assurer
sa propre sécurité en possédant un matériel approprié et bien
entretenu; et vous n'avez rien à attendre des autres pour
ce faire.
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LE MATERIEL DE SECURITE INDISPENSABLE
- une brassière de sauvetage,
- un signal sonore: sifflet ou corne de brume,
- une pagaie de rechange,
- un dispositif de vidange,
- une bosse de remorquage,
- un compas,
- une carte de la zone de navigation,
- trois feux rouges automatiques,
- un miroir de signalisation,
- une lampe électrique étanche,
- un tube de fluoréscéine (20 gr en poudre)
obligatoire depuis le 4 avril 1990 en 5ème catégorie.
La brassière.
Elle doit être d'un type homologué.
Les modèles bon marché de rivière sont à proscrire car leur ,
flottabilité est insuffisante.
Ne pas confondre aide de flottabtlité (ne maintient pas la
tête hors de l'eau), et brassière de sauvetage.
Le gilet WildWater Shortie Expé est accepté par les Affaires
Maritimes en raison de sa qualité et de sa grande flottabilité.
Le port de la brassière n'est pas obligatoire en mer mais,
tout de même conseillé.
Le signal sonore.
Le sifflet, léger et peu onéreux, est amarré sur la brassière.
La corne de brume est aussi valable mais plus encombrante.
La pagaie de rechange.
La pagaie double de secours est souvent démontable.
Généralement, elle est fixée sous les élastiques du pont arrière.
La tendance actuelle est de la placer sur le pont avant, tête
bèche,
le tube tourné vers le kayakiste étant équipé d'une poignée de
pagaie de canoë démontable.
En cas de perte de la pagaie de route, vous pouvez instanta-
nément en saisir une autre, ce qui est primordial dans un
courant ou une zone de brisants:
d'abord s'éloigner avec la pagaie "canoë" puis emboîter les
deux éléments de la pagaie double dès que possible.
De plus, en esquimautage d'urgence, la poignée canoë procure
un contrôle très précis de l'incidence de la pelle.
Pourtant, je donne ma préférence à la pagaie de rechange
non démontable.
Nos kayaks sont suffisamment longs pour transporter cette
pagaie, qui doit tenir à plat sur le pont. Alors pourquoi
s'inspirer du matériel de rivière qui n'est qu'une adaptation
spécifique du matériel éprouvé depuis 4000 ans par les
esquimaux ?
Comme eux, ayons des pagaies de mer à pelles non croisées.
La pagaie de mer doit être courte (maxi 2,10 m), ses pelles
longues (mini 75 cm) et étroites (maxi 10 cm) et son manche
ultra-court (40 cm) pour permettre la technique de pagayage
esquimau:
llluartarillune Paarneq, qui nécessite un déplacement alternatif
des mains du manche vers la pelle.
Cette pratique s'acquiert vite et supprime pratiquement la
prise au vent de la pelle "en l'air".
Aucun modéle n'est commercialisé en France à ce jour,
mais cela viendra sous peu; j'oeuvre en ce sens.
Nos prototypes donnent de très bon résultats.
Un dispositif de vidange
Pour des sorties sérieuses la pompe est indispensable.
On trouve des pompes à main ou à pied, la meilleure
actuellement est la Compac 50 qui détrône la traditionnelle
Chimp.
L'éponge n'est pas à bannir et reste un élément de confort
supplémentaire qui vient compléter l'effet de l'écope, si vous
n'avez pas de pompe, pensez à amarrer votre écope pour
ne pas la perdre dans un chavirage, ou l'oublier dans
l'euphorie d'un départ trop souvent précipité.
Une bosse de remorquage.
C'est un cordage solidement fixé à l'étrave de votre kayak que
vous pouvez lancer facilement depuis votre cockpit sans faire
de contorsions.
Sa longueur est d'environ 4 mètres et permet de se faire
remorquer.
En groupe, le responsable doit posséder une ceinture de
remorquage ou un dispositif équivalent pour remorquer.
Ce dispositif est muni d'un mousqueton qui sera fixé à l'oeil
terminant la bosse de remorquage du kayak en difficulté.
Un compas.
Le marin désigne par compas ce que le terrien appelle
boussole.
Plutôt que d'investir dans un modèle inapproprié
(trop proéminent ou "type Cargo"), procurez-vous une
boussole de course d'orientation type Silva.
Son utilisation est aisée.
Pour un kayakeur, un modèle plus sérieux est nécessaire:
Plastimo Offshore 70 (proéminent sous le pont), Silva
Regatta ou 70 P. Suunto 158 ou Sestrel Junior.
Limitez-vous à ces modèles fiables.
Certains kayaks sont équipés de moulages spéciaux pour les
recevoir. Evitez absolument de le fixer sous vos yeux à ras de
l'hiloire; mal de mer garanti.
Une carte de la zone de navigation.
Si vous connaissez la zone parfaitement et que vous sortez
à 200 mètres du port, la carte marine n'est pas nécessaire.
Pour une sortie plus sérieuse, ayez au minimum une
photocopie sous pochette plastique, de votre zone de
navigation.Pensez à préparer votre "NAV" à terre.
Je conseille de décalquer, au crayon papier gras, le profil de
la côte, de tracer sa route en calculant à l'avance les caps à
suivre et les distances entre les points remarquables que
vous rencontrerez (balise, pointe, roche isolée...) ainsi que
les éventuels courants et les heures de marée.
L'énorme carte marine pliée en 16 et surchargée n'est pas la
meilleure en mer, elle sert à la préparation soignée à terre.
L'important est de savoir à tout moment sa position.
Trois feux rouges automatiques
Ils sont en vente dans toutes les coopératives maritimes ou
chez les shipchandlers.
Faire attention à la date de péremption et lire le mode
d'emploi de temps en temps. Il faut impérativement les
stocker dans un conteneur étanche à portée de main.
Une fusée à parachute supplémentaire est une très bonne
initiative.
Un mirroir de signalisation
Le modèle "juste pour être en règle" en aluminium poli
protégé par un cellophane, est à déconseiller.
Prenez un miroir muni d'un disque central rouge qui facilite la
visée.
La différence de prix est modique et son efficacité nettement
supérieure.
Une lampe électrique étanche.
Si la nuit vous surprend, le seul moyen de signaler votre
présence au chalutier qui fonce droit sur vous est une
lampe étanche, et si elle ne l'est pas, c'est un poids inutile
à bord.
Un bon conteneur.
Pour ranger ce matériel de sécurité, j'utilise comme beaucoup
d'autres kayakeurs les boîtes anglaises BDH.
Ces conteneurs en plastique existent en trois tailles.
Désormais, le petit modèle ne convient plus en raison de
l'augmentation de la taille des feux rouges automatiques.
Le modèle Médium donne entière satisfaction; il est étanche
dès lors qu'on remplace le disque joint en carton par une
rondelle de caoutchouc découpée dans une chambre à air.
Ce conteneur est ensuite fixé sur le pont juste derrière
l'hiloire.
Les boîtes BDH se trouvent en vente chez vos revendeurs
habituels:
Polyform, Plasmor et Mack... en Bretagne et ailleurs aussi.
Et les prix ?
Au premier abord, tout cet équipement indispensable peut
sembler onéreux.
Savez-vous le coût d'une heure d'intervention d'hélicoptère
ou d'un canot de sauvetage ?
Avec du matériel, vous serez excusable.
Sans lui, vous serez très sûrement pénalisé.
Il n'y a pas d'excuse à ne pas être en règle.
Un kayak de mer en état de naviguer comprend le matériel
de sécurité complet.
La liste dressée ci-dessus représente le minimum requis,
le minimum obligatoire, le minimum par kayak.
Au total, il vous en coûtera de 700 à 2 000 F, mais il n'est pas
défendu de fabriquer son écope ou sa pagaie de secours,
les deux pour moins de 50 F.
LE MATERIEL DE SECURITE QUE J'UTILISE TOUJOURS.
Un kayak de mer conforme aux spécifications des Affaires
Maritimes en Bretagne (n° KY AD 001):
- Structure rigide, longueur supérieure à 4 m et largeur
supérieure à 0,50 m,
- Kayak ponté équipé d'un trou d'homme muni d'une jupe
d'étanchéité,
- Kayak rendu insubmersible par des caissons incorporés
étanches ou des réserves de flottabilité,
- Anneaux de remorquage à l'avant et à l'arrière.
Une boîte de sécurité contenant:
- 3 feux rouges automatiques et 1 Nicosignal (6 fusées rouges
montant à 80 m),
- 1 lampe électrique étanche,
- 1 sifflet (en plus de celui de la brassière),
- 1 compas, en plus de celui de la brassière (Silva de C.O.),
- 1 miroir grand modèle,
- 1 sachet de fluorecéine (donne une tache fluo repérable
par avion),
- 1 gilet orange en nylon (pouvant faire pavillon en bout de
pagaie le jour),
- 1 cyalume (signal lumineux en bout de pagaie la nuit),
- 1 rouleau de ruban adhésif de réparation genre Sylglass,
- Carte de téléphone, 10 F en pièces, liste des numéros de
téléphone des sémaphores, petite cordelette,
- Photocopie du pv de visite des Affaires Maritimes (5è cat),
- 4 tablettes de Coramine Glucose(en cas d'hypoglycémie) .
Mais aussi
- Une pagaie de secours,
- 1 pompe + 1 écope + 1 éponge,
- 1 compas Sestrel Junior avec éclairage et boitier protection,
- 1 brassière de sauvetage ou un gilet WildWaterShortie,
- 1 bosse de remorquage de 4 m et harnais de remorquage,
- Des lignes de vie sur les listons babord et tribord,
- Carte de la zone de navigation ou photocopie,
- 1 couteau et sa gaine fixée au kayak,
- Des vêtements de rechange et de la "nourriture de route"
(boisson et aliments énergétiques).
UNE NOUVELLE REGLEMENTATION A L'ESSAI
Depuis le 9 avril 1990, une nouvelle règlementation est à
l'essai en Bretagne, permettant de naviguer en kayak
jusqu'à 5 milles marins (9 km) d'un abri.
Notre président d'association Georges Colleter a oeuvré
plusieurs années pour obtenir cette réglementation qui
nécessite:
1 - Un bateau conforme, propriété personnelle de l'utilisateur.
2 - Du matériel conforme qui, comme le kayak, est soumis à
une visite des Affaires Maritimes.
3 - Navigation en groupe d'au moins 3 kayaks, de jour
seulement, navigation de conserve.
4 - Une radio VHF étanche homologuée par groupe de 3.
L'utilisation de la VHF nécessite le Certificat Restreint de
Radiotéléphoniste (CRR).
5 - Des contacts radios aux autorités (Cross, Sémaphores)
au début et à la fin de la sortie avec les noms et numéros
d'enregistrement de chaque pratiquant, ainsi que le
parcours et les horaires.
Grâce à cette nouvelle réglementation, nous assurons notre
propre sécurité, sans bateau d'accompagnement jusqu'à
5 milles d'un abri.
Elle nous a déjà permis des superbes randonnées vers les
îles du Ponant, c'est une chance inestimable, un trésor
qu'il faut préserver.
Alors, cet été, pour devenir kayakeur, soyez adulte et
responsable !
Soyez, vous aussi, des exemples; prêchez la sécurité
passive et active et rappelez-vous que la mer ne pardonne
pas aux inconscients.
Par Didier Plouhinec
Secrétaire de l'Association
Kayak de mer du Ponant
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